Alors que le gouvernement congolais vient de parapher un contrat de partenariat de trois ans avec le club français de Ligue 1, l’AS Monaco, pour un montant global estimé à 4,8 millions de dollars américains, le journaliste d’investigation Joli Toko fait entendre une voix discordante. À l’en croire, le moment est mal choisi pour engager de telles dépenses, alors que le pays fait face à une série de crises internes urgentes qui devraient, selon ses mots, « mobiliser toute l’attention et les moyens du gouvernement ».
Un partenariat coûteux dans un contexte de précarité nationale
Signé pour trois ans, ce contrat vise à renforcer le secteur sportif à travers la formation des entraîneurs, la détection de jeunes talents, l’amélioration des infrastructures et une stratégie de visibilité internationale (via notamment des campagnes de communication comme « Visit Congo »). Le tout à raison de 1,6 million USD par an, auxquels s’ajoutent 200.000 € par an pour les frais logistiques du club monégasque.
Mais pour Joli Toko, ce contrat, même s’il peut sembler noble sur le fond, tombe à un moment particulièrement inopportun. Il cite notamment la crise humanitaire à l’Est, le système éducatif délabré, la pénurie en soins de santé primaires, l’insécurité alimentaire, le manque criant d’infrastructures routières, et l’instabilité énergétique qui paralyse des pans entiers de l’économie congolaise.
« Peut-on décemment parler de “soft power” ou de rayonnement international, pendant que des femmes accouchent à même le sol dans nos hôpitaux, que des enfants étudient sans bancs ni cahiers, et que les routes rurales restent impraticables ? », s’indigne le journaliste.
Une allusion directe au modèle controversé « Visit Rwanda »
Joli Toko n’hésite pas à comparer ce contrat à celui qui lie le Rwanda au Paris Saint-Germain (PSG), dans lequel Kigali a investi des millions d’euros pour promouvoir le tourisme rwandais via le label « Visit Rwanda » sur les maillots du club parisien.
« Le Rwanda a certes gagné en image, mais chez nous, les conditions sociales sont plus alarmantes encore. Quelle est l’urgence ? Quelle est la priorité ? », interroge-t-il. Il rappelle que le budget national congolais reste insuffisant pour couvrir les besoins fondamentaux de la population, et que chaque centime doit être utilisé de façon stratégique et transparente.
Une interpellation directe aux députés nationaux
Dans un ton aussi ferme que citoyen, Joli Toko interpelle directement les députés nationaux, en particulier ceux de sa province qu’est le Kongo Central, leur rappelant leur responsabilité de contrôle de l’action gouvernementale.
« Que font nos élus pendant que le gouvernement débloque près de 5 millions USD pour un partenariat sportif, alors que des projets d’intérêt public sont gelés ou en hibernation ? Que deviennent les financements pour la route Matadi – Tshela ? Pour les écoles modernes dans le territoire de Songololo, de Kimpese ? Pour les centres de formation professionnelle en province ? », martèle-t-il.
Selon lui, il est urgent que les représentants du peuple exigent un audit de ce type de contrat, évaluent sa réelle rentabilité et surtout demandent un moratoire sur les dépenses non prioritaires.
Pas contre le sport, mais pour l’ordre des priorités
Joli Toko précise qu’il n’est pas opposé au développement du sport ni aux échanges internationaux. Mais il insiste sur la nécessité de replacer l’humain au cœur de l’action publique : « Le sport est un levier de paix et de cohésion, c’est vrai. Mais il ne doit pas se faire au détriment de la dignité des Congolais qui manquent de l’essentiel au quotidien. Redonnons à la République son sens des priorités ».
La rédaction/NTEMO.CD
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