Elle ne s’est pas contentée d’ouvrir la voie : elle l’a pavée à coups de rigueur, de silence stratégique et d’engagement inébranlable. Dans un univers souvent taillé sur mesure pour les ambitions masculines, Néfertiti Ngudianza Bayokisa s’est imposée, lentement mais sûrement, comme une figure incontournable de la scène politique congolaise. De Nsundi Lutete à la haute chambre du Parlement, son parcours relève moins du hasard que d’une ascension méthodique, forgée entre justice et service public.
Née le 19 décembre à Nsundi Lutete, dans le territoire de Luozi, au Kongo Central, elle grandit au sein d’un environnement où l’engagement intellectuel et culturel était une seconde nature. Fille du professeur Fukiau Kia Bunseki, docteur en Éducation et Développement communautaire, auteur de la célèbre Cosmogonie Kongo et fondateur de l’Académie de la Langue Kikongo, elle hérite d’un héritage intellectuel dense et d’une profonde conscience identitaire.

Après une enfance partagée entre les États-Unis et Kinshasa, elle décroche son diplôme d’État au lycée Bosangani, avant de rejoindre l’Université de Kinshasa pour y obtenir une licence en droit en 1997. Dès 2000, elle entre au barreau de Matadi, où elle s’engage pour la défense des droits des femmes au sein de l’Association des femmes juristes congolaises (Afejuco), puis de l’Association internationale des jeunes avocats. En 2012, elle intègre le barreau de Kinshasa-Gombe, tout en restant liée à son terroir.
Mais c’est en 2014 que la trajectoire bascule. Ministre du Commerce dans le gouvernement Matata II, elle devient la première femme originaire du Kongo Central à occuper ce poste au niveau national. Cette nomination est saluée à l’unisson : de la société civile aux autorités locales, nombreux sont ceux qui voient en elle une pionnière et un modèle. « Elle est compétente, rigoureuse, respectueuse », dit-on d’elle. Le bâtonnier Jacques Zakayi affirme : « C’est un sentiment de fierté d’avoir, pour la première fois à ce niveau, une avocate du barreau de Matadi ».

Mariée au magistrat Adler Kisula Betika, mère de six enfants, la sénatrice parvient à concilier vie familiale, parcours professionnel et engagement humanitaire. Elle dirige l’ASBL Œuvre pour la scolarisation des enfants dans les hôpitaux et à domicile, qui a permis à plusieurs enfants malades de poursuivre leur formation scolaire.
En 2019, elle est élue sénatrice du Kongo Central, devenant la seule femme à représenter la province à la chambre haute. Parallèlement, elle fonde la Fondation Ngudianza, avec des actions concrètes dans la réhabilitation des routes, la distribution de médicaments et les kits scolaires. En avril 2024, elle brigue la fonction de gouverneure, mais c’est Grâce Bilolo qui sera élu. Toutefois, son influence reste intacte.

Aujourd’hui rapporteure du Sénat, elle incarne une nouvelle génération de femmes politiques congolaises : enracinée dans son territoire, portée par une vision, et animée par une force tranquille qui force le respect. Présidente du parti Congolais Acquis au Progrès (CAP), celle que ses partisans surnomment Ndona ya Kongo Central trace un chemin qui, bien plus qu’une réussite personnelle, ouvre des horizons pour toute une génération.

Josué Muleli